par Frans BELS
Controverses après la Révolution
Après
la Révolution belge comme après la plupart des grands événements d'ordre militaire ou politique éclatèrent
certaines controverses.
La
première concernait l'attitude des volontaires engagés dans les combats pour la
libération du territoire. Ces soldats étaient taxés d'indiscipline et se
voyaient accusés d'être la cause des revers militaires de notre armée en 1831.
L'accusation
paraît lourde; il ne faut cependant pas perdre de vue que la plupart de ces
volontaires n'avaient jamais porté les armes avant la Révolution hormis ceux de
nos compatriotes qui avaient servi dans les forces hollandaises et qui, en
1830, avaient déserté et rejoint les rangs de la Révolution. On doit
reconnaître que n'ayant que leur courage, ces soldats amateurs s'étaient
particulièrement bien comportés face aux soldats de métier de l'armée batave.
La
seconde polémique sous-jacente au début va croître dans les décennies qui
suivirent notre indépendance. C'est la récompense des actes glorieux et la
réparation des dommages corporels qui firent grincer des dents et provoquèrent
le mécontente ment de ces hommes qui, unis devant l'ennemi n'avaient ménagé ni
leur peine ni leur sang.
Voyons
d'abord le camp des gens satisfaits, on pourrait dire des privilégiés.
La Croix de Fer
Instituée
par la loi du 8-10-1833 cette décoration comportait à l'origine une croix de
fer à quatre branches et une médaille de fer octogonale. Cette dernière était
considérée comme une décoration de 2ème classe, attribuée à tous les
combattants blessés au combat. La Ire classe était réservée aux mutilés, aux
blessés ayant repris le combat et aux soldats ayant accompli un acte de
bravoure.
Cette
discrimination entre les deux décorations ayant suscité des remous, l'arrêté
royal du 22 avril 1835 supprima la médaille de 2ème classe et autorisa les
titulaires de cette décoration à porter la Croix de Fer de Ire classe devenue
l'unique récompense.
En
1835, on peut évaluer à 1635 le nombre de décorés dont trois Péruwelziens. (1)
(2)
En
1842, les porteurs de cette distinction qui se trouvaient dans le besoin ou qui
ne disposaient d'aucune pension ou d'aucun traitement quelconque reçurent une
allocation de 100 F. qui passa à 250F.en 1855.
La
loi du 27 mai 1857 accordait une bonification de dix années de service
supplémentaires aux officiers et fonctionnaires civils décorés de la Croix de
Fer. Cette mesure accentuait les inégalités entre les anciens volontaires de
1830.
En
1858, la loi budgétaire confirmait les 250 F. aux décorés et accordait une
allocation aux veuves et orphelins des décorés décédés.
Le budget suivant améliorait
encore leur situation.
Croix de fer
de le classe (1833)
devenue classe unique
en 1835.
Croix noire à quatre
branches échancrées;
l'écusson au centre
dont un côté figure le
lion belge et l'autre
porte la mention
«1830»
Le ruban est rouge,
bordé de chaque côté
d'un liseré jaune et
noir.
En 1860, on
dénombrait 463 décorés vivants, 210 veuves de décorés et 175 blessés de 1830.
Il
existait une association de ces décorés, «La
société centrale des Combattants volontaires décorés de la Croix de Fer»;
elle avait été fondée en 1837.
Passons maintenant dans le camp des mécontents.
Les médaillés péruwelziens de la Croix de Fer
BAUGNIES Alexandre, capitaine, adjudant-major au 4ème régiment
d'infanterie. Il contribua puissamment à développer l'esprit national et à
organiser la résistance aux actes oppressifs du gou vernement déchu; choisi pour
chef des volontaires de Péruwelz, il les conduisit au secours de la capitale.
GOSSE Hubert, docteur en médecine.
Volontaire de Péruwelz, il relevait et pansait les blessés sous le feu de
l'ennemi, dans les combats soutenus sur la ligne de Bruxelles à Anvers.
SIMON Napoléon, Jean-Baptiste, Joseph, commerçant. Il contribua
puissamment par son influence et son patriotisme à développer l'esprit national
à organiser la résistance aux actes oppressifs du gouvernement déchu. Venu
comme volontaire au secours de la capitale, il se fit remarquer au combat de
Berchem en s'élançant à la baïonnette sur l'ennemi.
Telles sont
libellées dans le journal officiel les citations de nos trois valeureux
concitoyens.
La Croix commémorative des Volontaires de 1830
Dès
la parution en 1835 des listes de décorés de la Croix de Fer des demandes
accompagnées de récits d'actes de bravoure accomplis par ces volontaires
affluèrent dans les cabinets ministériels.
Beaucoup de ces combattants se sentaient «oubliés»
et après des années d'attente vaine, ils manifestèrent leur mécontentement. Les
non décorés finirent par constituer une «Fédération
des combattants Volontaires de 1830».
Cette association réclamait pour ceux-ci la place à laquelle ils avaient droit dans 1'histoire de la Révolution, elle dénonçait aussi les injustices dont ils étaient les victimes, les torts dont on s'était rendu coupable à leur égard et faisait appel au gouvernement pour qu'ils obtiennent la juste récompense à laquelle ils avaient droit. La Fédération joua un rôle certain dans l'attribution de la nouvelle décoration qui fut instituée le 20 avri11878. Plus de quarante ans avaient passé quand le successeur de Léopold 1er signa cet arrêté royal.
Le
Moniteur Belge de 1878 publia une première liste de 1060 décorés. Entre cette
date et 1881 parurent au Moniteur une dizaine de listes portant à environ 1818
le nombre de titulaires de cette distinction. Les quinze dernières croix furent
remises par le roi Léopold II le 21 juillet 1905 à l'occasion du 75ème
anniversaire de l'indépendance de notre pays.
En
1880, «La Fédération des Combattants Volontaires»
publia un livre d'or reprenant les listes des bénéficiaires de la Croix
commémorative et dans lequel figurait un intéressant récit historique des
opérations militaires de la campagne de septembre 1830 à février 1831.
Lorsque
la Croix commémorative fut attribuée aux volontaires, la Fédération stigmatisa
les inégalités qui persistaient entre les détenteurs des deux récompenses
militaires de la Révolution belge.
Le
président d'honneur de cette Fédération, A.CHARPIGNY, en guise de conclusion au
livre «Les Combattants Volontaires de
1830 devant l'histoire» écrivait: «Pourquoi lorsque la lumière est faite,
lorsqu'il est prouvé qu'il n'existe pas de différence entre les services rendus
par les combattants volontaires décorés de la Croix de Fer et ceux décorés de
la Croix de 1830, établir entre ces deux catégories une démarcation aussi
humiliante. Pourquoi aux uns tant d'honneurs et aux autres à peine la faveur
d'une place à l'arrière-plan... L'opinion publique veut qu'elle (cette
discrimination) cesse ; elle demande pour tous l'égalité; elle ne veut pas voir
les premiers finir leur vie dans une aisance relative, et les derniers,
nouveaux Bélisaires, implorer à leur dernière heure, le pain de la pitié, ou
exhaler leur dernier soupir sur le lit de l'hôpital».
Croix
commémorative des Volontaires de 1830 ( 1878). Croix à quatre branches échancrées en émail blanc avec une croix de
Bourgogne en or. L'écusson au centre émaillé de noir représente le lion belge
d'un côté et porte de l'autre la mention «1830». Le ruban noir est bordé de
chaque côté d'un liseré jaune et rouge.
Les 12 Péruwelziens décorés de la
Croix commémorative des Volontaires de 1830.
Première liste (M. B., 11-06-1878)
DELATTRE,
François-Albert-Joseph, né à Péruwelz, le 8 mars 1805, orfèvre. Volontaire de 1830, il
assista aux combats de Waelhem, Berchem et à la prise d Anvers.
DELHAYE, Edouard, né à Péruwelz le 28
juillet 1814, cordonnier. Volontaire de 1830, il servit dans les corps francs
et fit la campagne de 1830-1831.
DEMARLIER,
Jean-Baptiste
(dit BINTIS), il fut le dernier survivant péruwelzien, né à Péruwelz, le 10 mai
1809, barbier. Volontaire de 1830, il fit avec les corps francs la campagne de
1830-1831.
DESTERBECQ,
François,
né à Péruwelz le 25 août 1803, rentier, il fit comme volontaire dans la
compagnie franche de Péruwelz la campagne de 1830-1831.
PHILIPPE,
Augustin,
né à Péruwelz, le 1er novembre 1805. Volontaire de 1830, il fit la campagne de
1830.
SAROT, Antoine, né à Péruwelz, le 25
novembre 1806, il prit les armes pour la conquête de l'indépendance nationale
et fit la campagne de 1830- 1831.
8ème liste (M.
B., 28-02-1880)
AUDEVAL, Louis, cordonnier à Péruwelz
BARRIER, Théophile, cultivateur à Péruwelz
CRUNELLE, Jean-Baptiste, ouvrier corroyeur à
Péruwelz
GERY, Nicolas, serrurier à Péruwelz
LEMAIRE, Fortuné à Péruwelz
9ème liste
(M.B., 12-08-1880)
POTTIEZ, Désiré, cultivateur à Péruwelz
Les
noms de ces décorés de la Croix commémorative ont paru dans le livre d'or de la
«Fédération des Combattants Volontaires de 1830». Les décorés des deux
dernières listes n'avaient pas fait parvenir à cette association leur citation,
c'est-à-dire leurs états de services.
Aux
trois médaillés de la Croix de Fer. BAUGNIES Alexandre. GROSSE Hubert et SIMON
Napoléon, ajoutons les décorés ci-dessus. Nous devons admettre que c'est
vraiment peu pour l'importance du contingent péruwelzien.
Soulignons la
modestie de ces braves qui s'étaient levés pour défendre leur pays puis étaient
rentrés sans bruit se perdant dans un certain anonymat.
(I) Article paru
dans le journal «Le Peuple. du 26-11-1980, «Les valeureux Péruwelziens. , F. B.
(2) Article paru dans
le journal «Nord-Eclair du 09-12- 1980,
«Les 40 volontaires Péruwelziens de 1830., F. Bels
(3) L'attribution
de la Croix commémorative de 1878 ne conférait pas les avantages matériels de
la Croix de Fer.
Bibliographie
1. Henri PIRENNE, Histoire de la Belgique, tome 3, La Renaissance du Livre, Bruxelles
2. Le Livre d'Or de l'Ordre de Léopold et de la Croix de Fer, tomes 1 et 2, Bruxelles, 1858
3. A. CHARRIGNY, Les Combattants Volontaires de 1830 devant l'histoire, Bruxelles, 1880
4. BORNE André-Charles, Distinctions honorifiques de la Belgique 1830-1985, Bruxelles, 1985
5. Les Décorations, ces bijoux qui traversent l'histoire, catalogue de l' exposition 150ème anniversaire de l'Ordre de Léopold, Liège, octobre 1982
L'IDENTITÉ ET LE NOMBRE DES VOLONTAIRES PÉRUWELZIENS
DE 1830
A
l'occasion de la Fête Nationale, le 21 juillet 1905, et à la veille du 75ème
anniversaire de l'indépendance belge, le « Journal de Péruwelz » offrait à ses
abonnés un livret historique reprenant les événements qui, en 1830, avaient
amené des dizaines de Péruwelziens à prendre les armes contre les Hollandais.
Léon
Dujardin, l'auteur de ce livret, avait pu prendre connaissance des archives
communales sur le sujet ainsi que d'une pièce d'archives appartenant à M. F.
KENSIER, échevin à Péruwclz.
Un des
problèmes qu'il tenta de résoudre est celui de l'identité et du nombre de nos
concitoyens qui participèrent à la Révolution.
Grâce
à l'obligeance du notaire R. SIMON qui venait d'offrir ce document important aux
archives communales, M. DUJARDIN put consulter le livret de service militaire
de Napoléon SIMON,(grand-oncle du
notaire), sergent-major de la compagnie forte de 71 hommes, qui quitta
notre ville pour Bruxelles le 24 septembre 1830 à 14 h 30, « complètement armée
et équipée ».
M. DUJARDIN put
ainsi reconstituer l'itinéraire de cette troupe.
Lorsque
nos volontaires arrivèrent à Bruxelles le 26 septembre, les Hollandais avaient
abandonné le parc pendant la nuit; nos concitoyens montèrent la garde à la porte
de Schaerbeek et le 29, ils furent engagés dans les combats de Vilvorde d'où
les Belges sortirent victorieux.Ils vont continuer la poursuite des Hollandais
qui se retirent vers le Nord; les deux tiers de la compagnie "jugeant la partie gagnée et leurs services
inutiles à la patrie" reviennent à Péruwelz le 10 octobre suivant.
Les
23 volontaires restants vont se battre à WAELHEM et à BERCHEM; puis ils sont
dirigés sur ANVERS, bombardée par les Hollandais.
Le
1er novembre, un deuxième détachement de 26 volontaires, levé à Péruwelz, part
pour Anvers. Le 20 novembre, la compagnie se scinde en deux groupes: 15
volontaires restent à Bruxelles, 31 se rendent à Anvers.
Jusqu'à
cette date, la compagnie était financée par des dons publics et privés de
Péruwelz. Désormais les combattants seront payés par le gouvernement belge et
la comptabilité de la compagnie ne sera plus contrôlée par la ville mais par le
Département ministériel de la Guerre, le ministère de la Défense Nationale de
l'époque. Dès lors, on ne trouve plus de traces comptables dans les archives
locales.
Il semble qu'il
y aurait eu le 26 décembre 1830 une troisième levée de 30 hommes à Péruwelz.
Dans
une lettre de la Ville de Péruwelz au Gouverneur de la Province du Hainaut,
nous apprenons que le nombre de nos citoyens ayant pris une part active à la
Révolution serait de 120 ou 130.
M.DUJARDIN fonde son hypothèse grâce aux documents d'archives cités plus haut, aux souvenirs de trois notables nonagénaires et du dernier survivant des volontaires J.-B.DEMARLIERE qui en dénombre quarante. L'historien local établit une liste de 104 noms estimant que la différence avec les 120 ou 130 volontaires cités dans le document communal résiderait dans le fait que certains volontaires rentrés au bercail se seraient réengagés. Nous vous livrons cette liste de M.DUJARDIN dans laquelle nous avons spécifié ceux qui avaient reçu une décoration :
- 3 reçurent en 1833 1a Croix de Fer, ( -C.F.- ), la première distinction militaire belge
- 13 obtinrent, à l'arraché, avec beaucoup de retard, en 1878 sous Léopold II, la Croix Commémorative des Volontaires de 1830 ( -C.C.V.-)-de plus, nous avons pointé par un astérisque (*) le nom des 40 volontaires cités par Em. BOUVEZ et dont la liste a été établie d'après les souvenirs du dernier survivant des combattants péruwelziens J.-B.DEMARLIERE.
Dans la liste des 40 volontaires de J.-B. DEMARLERE une adjonction marginale indique le nom de Honoré LAMBERT que nous ne trouvons nulle part ailleurs.