LA VISITE DE FÉNELON À PÉRUWELZ LE 16 MAI 1702
Avant-propos
Nous avons vu dans le numéro 4 de la revue du Cercle
d’Histoire et d’Archéologie des Deux Vernes de juin 1997 la présence à Willaupuis
en 1716 de Louis François Duplessis de Mornay, évêque coadjuteur de Québec.
J'avais également mentionné des démarches internationales concernant des
correspondances de Fénelon datées du château de Vezon. Ces correspondances ont
été retrouvées et c'est avec une énorme surprise qu'a été retrouvée par
hasard, suite à cette recherche sur
Vezon, une correspondance de cet
éminent prélat datée de Péruwelz le mardi 16 mai 1702 et destinée à l'abbé de Beaumont.
D'ou la publication de cet article lié à celui du N0 4. Nous
reproduirons l'original de cette importante lettre en fin d'article et
l'analyserons. Le même jour, à Rome, 16 maggio 1702, le cardinal Joseph
Sacripante[1]
écrit une lettre à son "Illustrissime e Reverendissime Signore" alors
à Péruwelz. Nous reproduirons intégralement aussi cette lettre écrite en italien.
Certains lecteurs auraient apprécié avoir des
informations généalogiques supplémentaires sur l'évêque Duplessis de Mornay
ainsi que sur Jeanne Marie Ernestine de La Hamaide.
Nous verrons dans cet article et les suivants que des
liens historiques apparaissent, se précisent entre l'histoire religieuse de
quelques localités de nos "Deux Vernes" et le Québec (à l'époque
Nouvelle-France).
Nous étudierons la raison de la présence de Fénelon (certains
auteurs écrivaient Fénélon !) à Péruwelz ainsi que quelques correspondances
antérieures et postérieures à Péruwelz afin que le lecteur comprenne le contexte dans lequel ces correspondances
ont été écrites.
Il est utile de préciser que Monsieur Philippe Guignet
(Professeur à l'Université Charles de Gaulle, Lille III) lors de sa conférence
donnée le 16.11.1996 au Cercle Royal d'Histoire et d'Archéologie d'Ath
mentionna que certains voient Fénelon un peu partout dans nos régions.
Cependant, précisa-t-il, avant d'établir une éventuelle présence de cet évêque
dans une localité il faut apporter des preuves, des écrits, des documents digne
de foi.
Chose certaine, la présence de Fénelon est
indiscutablement prouvée pour Vezon, Saint-Ghislain, Hensies, Angre, Crespin,
Roisin, Saint-Saulve et ...Péruwelz.
Les dates de publication des ouvrages se rapportant
aux "Correspondances de Fénelon" sont très importantes.
Je désirais de façon toute particulière exprimer ma
gratitude au Père Irénée Noye de la Compagnie de Saint-Sulpice à Paris. Le Père
Noye m'a apporté sa précieuse collaboration dans la communication des copies
(extraites des originaux) des correspondances de Fénelon pour Vezon et Péruwelz
ainsi que des informations sur les abbés de Langeron et de Beaumont.
1.) Louis François Duplessis de Mornay qui confirma
les enfants de Roucourt à Willaupuis le 3 mai 1716 eu le malheur d'être écrasé
par un carrosse dans la rue Saint-Honoré le 28 novembre 1741, en la traversant
pour rentrer aux Capucins où il demeurait, et est mort sur-le-champ âgé de 78
ans. Il était le fils de Charles de Mornay, seigneur du Mesnil-Théribus (Oise,
arr. de Beauvais) qui avait épousé par contrat du 3 juillet 1652, Anne du
Quesnel[2].
Il était parent lointain de Philippe de Mornay, dit Duplessis-Mornay,
Lieutenant Général des Armées du roi, Gouverneur des ville et château de
Saumur, chef calviniste, conseiller de Coligny, puis d'Henri IV, qui fonda à
Saumur la première académie protestante.
2.) Jeanne Marie Ernestine de la Hamaide, dite Mademoiselle
de Lassus, chanoinesse au chapitre de Sainte-Renfroye de Denain, y devint
abbesse après la mort de Dame Antoinette-Isabelle-Marie de Nédonchel. Elle
mourut à Denain en 1729. Elle était la fille de Ferry de la Hamaide, chevalier,
seigneur d'Ogimont, lez Valenciennes, du Fayt, du Bois de Fismes, de La
Tannerie, du Plouy (à Obigies), fut bailli-général de S.M. Très-Chrétienne en
sa châtellenie de Lille, cour et halle de Phalempin ; haut justicier pour le
Roi à Lille. Il épousa par contrat passé devant les hommes de fief de Hainaut
et Cour de Mons, au château d'Ogimont (à Velaines), le 30 avril 1633, Agnès
Florence de Marnix, dame des fiefs du Mortier et des Deux Treilles (fille de :
Jean de Marnix, chevalier, baron de Pottes, vicomte d'Ogimont, et de Marguerite
de Haudion, dite de Guiberchies.). Ils eurent 17 enfants[3]
3.) François Messelberrier devint en 1723 receveur général des Dames chanoinesses de Denain.
Sa commission, datée du 5 novembre 1723, lui donne irrévocablement pour toute
sa vie la charge de chapelain, receveur, agent général et gardien du dit
Chapitre. Néanmoins, il obtint, en 1726, la cure de Haulchin, châtellenie de
Bouchain, qui était à la collation de l'abbaye de Saint-Vaast d'Arras ; mais il
n'en eut jamais que le titre, car les Dames chanoinesses désirant qu'il fixât
sa résidence dans leur Chapitre, il dut abandonner le revenu de cette cure à un
desserviteur établi par les vicaires généraux de Cambrai. Il devint par voie de
concours, curé de la paroisse de Saint-Jean-Baptiste, à Tournai, en juin 1731.
En 1754, il fut transféré à Jemappes, où il mourut en 1758 à l'âge de 78 ans[4]
Nous savions que l'abbé Louis-Alphonse Petit dans "Les
communes du canton de Péruwelz (Baugnies, Blaton, Braffe, Brasménil, Bury,
Callenelle, Laplaigne, Roucourt, Vezon, Wasmes-Audemetz-Briffoeil, Briffoeil,
Wiers)", Annales du Cercle Archéologique de Mons, 1875 , tome XII,
p.58 mentionnait seulement : "Il y avait à Vezon un château. Fénélon a
daté plusieurs de ces lettres de ce château".
Or, voici ce que mentionne Eugène Lévêque dans son Histoire
de Vezon, pp.87-88, publiée en 1937 :
" L' catieau d'Elprée. Le bâtiment (propriété actuelle de M. J-B Foucart
que l'on désigne encore à Vezon sous le nom du "catieau d'Elprée"
n'était qu'une dépendance d'un ancien château, construit à l'extrémité du
chemin des Prairies, à proximité des Aulnois de Bourgeon, hameau de Fontenoy.
Cette construction dont nous n'avons pu établir l'origine, existait encore au
début du XVIIIe car il s'est avéré qu'en mai 1702, l'illustre Archevêque de
Cambrai : Fénelon, en tournée épiscopale sans doute, logea deux ou trois jours
au château d'Elprée ; il venait de Tournai : de Vezon, où il officia à l'église
Saint-Pierre, il repartit pour Saint-Ghislain. Nous pouvons déduire que le
"catieau d'Elprée" ou tout au moins ce qui restait des bâtiments
principaux de l'ancien manoir disparut entre 1743 et 1770, peut-être même pendant
la bataille de Fontenoy en 1745 /.../Fénelon vint à Vezon en 1702. Pour
confirmer le fait, nous transcrivons le texte de la lettre suivante (Tome VI,
p.383) extraite de la "Correspondance de Fénelon" (A.Leclère
et cie, Paris, 1827) que l'éminent prélat adressait d'ici à la comtesse de
Montberon "
Le 5 janvier 1997, Jean-Marie Cauchies, professeur aux
Facultés universitaires Saint-Louis à Bruxelles et à l'U.C.L. m'écrit :
" Je ne puis me prononcer sur la venue de Fénelon à Vezon. Je
resterai seulement prudent, mes propres recherches sur sa présence prétendue
dans le Borinage m'ayant amené à des conclusions négatives. On lui prête plus
d'un lieu de séjour dans le Hainaut, mais ... La relation de l'Abbé Petit est
évidemment un argument positif, mais sur quoi se fonde-t-elle ? A-t-il vu les
lettres, ou est-ce seulement un bruit qu'il rapporte ? La correspondance
(abondante) de Fénelon est en partie publiée. J'en ai vu des volumes à la
Bibliothèque royale à Bruxelles. La meilleure source d'information serait en
cette matière le Père Irénée Noye, sulpicien, actuel responsable de cette
édition. Je l'ai rencontré, il a confirmé mon constat de carence pour le
Borinage, mais je ne dispose pas de son adresse. Elle pourrait vous être fournie par Philippe Guignet ou un de ses
collègues lillois organisateurs du colloque de Cambrai auquel le père Noye et
moi-même avons notamment participé"
Par une lettre du 13 janvier 1997, mon correspondant
au Québec, Luc Chaput me fournit
l'adresse en Suisse, à Genève, du sulpicien Irénée Noye, collaborateur de Jean
Orcibal décédé depuis 1988[5].
Je reçois seulement le 10 juillet 1997 de l'Université
Charles de Gaulle Lille III, après un retard de deux mois, l'adresse d'Irénée
Noye, soit 6, rue du Regard à Paris.
Après de longues recherches à la Bibliothèque Royale
Albert Ier de Bruxelles, je n'ai pas réussi à mettre la main sur l'édition
A.Leclère et cie de 1827 mentionnée par Eugène Lévêque. J'ai seulement appris
que la correspondance de Fénelon, archevêque de Cambrai avait été publiée pour
la première fois sur les manuscrits originaux et la plupart inédits à Paris
chez A. Leclère et cie, 1827-1829. 11 vol. In-8. Cette édition existe
certainement à la Bibliothèque Nationale de France, peut-être au Séminaire de
Tournai. Je n'ai pas approfondi.
A ma grande surprise, j'apprends par les fichiers de
l'Albertine l'existence de 4 volumes de la correspondance de Fénelon sous le
titre de "Correspondance de Fénelon, archevêque de Cambrai, publiée
pour la première fois sur les manuscrits originaux et la plupart inédits",
Tournay, à la librairie de J.Casterman, imprimeur, rue aux rats, s.d. [1828 ?],
4 vol. In-8. Cote Bibl. Royale Albert Ier :
7A 58443
Il s'agit sans aucun doute d'une réimpression ou d'une
contrefaçon de l'édition A. Leclère de Paris 1827-1829. Mais, peut-être a-t-il
existé aussi une entente entre J.Casterman et A.Leclère.
Autre surprise, un peu désagréable : La lettre de
Fénelon datée de Péruwelz 16 mai 1702 a
été ignorée dans l'édition J. Casterman de Tournai s.d. [1828 ?]. C'est donc
certainement dans cette édition que l'abbé Petit a trouvé la présence de
Fénelon à Vezon. Si l'abbé Petit aurait trouvé une lettre de Fénelon datée de
Péruwelz, ce grand péruwelzien qu'était l'abbé Petit l'aurait à coup sûr
publiée en 1871 dans son "Histoire civile et religieuse de la
Ville de Péruwelz".
Par une lettre datée de Paris le 12 octobre 1997, le
Père Irénée Noye m'écrit :
"L'édition de la Correspondance de Fénelon,
Paris, Leclère, 1827-29, a bien la lettre écrite "à Perüez, mardi 16
mai 1702" : c'est au tome 2, pages 88-90.
Il est assez curieux qu'Eugène Lévêque dans son Histoire
de Vezon se réfère en 1937 à l'édition de A. Leclère de Paris. Les trois
lettres qui suivent sont extraites de l'édition de J. Casterman de Tournai.
Nous les étudierons ensuite grâce à l'édition de Genève de 1987-89.
N0 310
A Tournai, 11 mai 1702
M. le Comte de Montberon m'a demandé,
madame, de votre part, que je m'engageasse à vous confesser, quand vous en auriez
besoin. J'ai répondu un oui tout simple, et sans façon, de très-bonne grâce.
Voyez combien je suis honnête homme. Vous
voilà en liberté à cet égard, et il ne tiendra pas à moi que vous ne donniez à
votre coeur toute la paix dont il a besoin. Il me tarde de vous savoir à
Cambrai, comme le poisson dans l'eau. Je souhaite fort que la chère pendule vous y tienne un peu compagnie.
O que je lui sais bon gré de tout ce qu'elle a fait pour vous ! Dieu le lui
rende avec usure.
On dit que Mme d'Oisy a été à Arras. Elle
sera bien dans ses affaires, quand elle vous aura à Cambrai. Je suis fâché de
ce que M. son frère s'en retourne si promptement. Je n'ai fait jusqu'ici que
des débauches dans la ville de Tournai. Je vais demain visiter les villages. M.
le Comte de Montberon vous dira tous nos excès scandaleux.
N0 311
A Vezon, 13 mai 1702
M. le Comte de Montberon vient, madame, de
m'envoyer de Tournai un courrier dans ce village, pour me porter votre paquet.
Voyez jusqu'où va la vivacité de ses soins. Vous en devez prendre la principale
partie sur votre compte ; mais j'ose en prendre un peu sur le mien.
Je suis ravi de voir l'égalité et la
fidélité de notre bonne pendule
dans la sécheresse qu'elle éprouve. On ne sait encore rien, quand on n'a point passé
par les privations des ferveurs sensibles. Un jour de persévérence dans la
peine est plus agréable à Dieu, et avance davantage une ame, que plusieurs
années dans l'enivrement des prospérités spirituelles, où l'on dit comme saint
Pierre : Nous sommes bien ici. Votre amie a besoin de vous, et vous
voyez le bien que vous lui faites. Je vous le recommanderais de tout mon coeur,
si ce n'était vous faire injure, que de vous recommander une personne qui vous
est si chère. J'en espère beaucoup, et il me tarde bien ce que vous avez fait
dans son coeur. Mais vous, qui faites du bien aux autres, ne vous faites plus
de mal à vous -même. Ne vous écoutez plus ; n'écoutez que celui dont la voix
vivifie l'ame, en l'anéantissant. Surtout défiez-vous de votre délicatesse,
comme de la plus dangereuse tentation. Dieu soit en vous, et vous possède,
jusqu'à ne vous plus permettre de vous posséder.
N0 312
A Saint-Ghislain, 19 mai 1702
Il n'y a, madame, trop de vivacité que dans
la crainte d'en avoir eu trop. Ne craignez jamais, je vous conjure, de n'être
pas assez mesurée avec moi. Quand je verrai du trop en quelque genre, je
n'attendrai pas que vous me le demandiez ; je vous préviendrai très-librement.
Pour vos confessions, faites le moins mal que vous pourrez jusqu'à mon retour.
Je n'ose vous donner aucune règle précise là-dessus, parce que toute règle peut
se tourner chez vous en gène et en scrupule. Tout dépend du confesseur. Le
moins vous confesser est certainement le meilleur. O que je révère et aime en
Notre-Seigneur notre bonne pendule
! Je n'ai pas un seul moment pour écrire à Oisy ; mais je conjure Mme la
comtesse de Souastre d'y mander que je suis ravi des larmes qu'on a versées, et
de la joie que cause la guérison. Il ne faut pas s'en applaudir, mais renvoyer
tout à Dieu.
Qu'il me tarde d'avoir l'honneur de vous
revoir ! mais hâtez-vous d'être bien guérie.
M. le Comte de Montberon est le meilleur
homme que je connaisse, et je ne puis songer à lui sans avoir le coeur
attendri.
Comme mentionné plus haut, la meilleure source
d'information sur la "Correspondance de Fénelon" est celle
d'Irénée Noye,
actuel responsable de cette édition[6]
Les commentaires ci-dessous des correspondances
proviennent de l'édition de Genève 1987-1989.
Lettre datée à Tournay, 11 mai 1702
1. Marie Gruyn, née vers 1646, était la fille de Pierre Gruyn, sr de la
Celle-Saint-Cyr etc., secrétaire du roi, mort le 5 mai 1666, et de Marie-Anne
Closier, fille d'un bourgeois de Châlons. Son grand-père, Philippe Gruyn, était
propriétaire de la Pomme du Pin, fameux cabaret du Pont-Notre-Dame. Marie Gruyn
épousa en 1667 François de Montbron ou Montberon, officier de mousquetaires.
Ils n'eurent qu'un fils, Charles-François, marquis de Montberon, et une fille,
Marie-Françoise, mariée le 26 janvier 1689 au comte de Souastre. Veuve le 16
mars 1708, Mme de Montberon vendit le 11 janvier 1716 aux Souastre tous ses
droits de succession. Elle mourut le 27 avril 1720 dans la chambre qu'elle
occupait au couvent de la Madeleine du Traisnel, rue de Charonne.
2. la chère Pendule = Mme
de Souastre. Marie-Françoise de
Montberon, née entre 1668-1671 et décédée à Arras le 12 février 1720, avait
épousé à Cambrai par contrat du 26 février 1689 le comte Charles-Eugène de
Souastre. Si la plupart de leurs enfants naquirent jusqu'en 1698 à Cambrai, les
derniers vinrent au monde à partir de 1701 à Arras, dans l'hôtel des Souastre,
et des naissances eurent lieu pendant les deux périodes au château de ceux-ci à
Vendegies-au-Bois.
3. Mme d'Oisy = Soeur du capitaine de vaisseau Jean-Baptiste de Rouvroy,
mais il doit s'agir ici d'un autre de ses frères, Louis-Philippe, filleul de
Monsieur et de la Reine (2 août 1663), abbé de Notre-Dame du Chage en novembre
1684 qui mourut en mai 1740.
4. Je n'ai fait jusqu'ici que des débauches = Outre son sens
actuel, débauche avait alors celui de "petite réjouissance, repas,
promenade", sans idée péjorative.
Lettre datée à Vezon, 13 mai 1702
1. notre bonne pendule = Mme de Souastre (comme plus haut)
2. Ou l'on dit comme saint Pierre : Nous sommes bien ici = Matth.
XVII, 4.
3. Votre amie = Mme d'Oisy
Nous reproduisons ci-dessous la lettre du Père Irénée
Noye prouvant la présence de Fénelon à Vezon le 13 mai 1702 (samedi).
LA CORRESPONDANCE DE FÉNELON DATÉE DE PÉRÜEZ (PÉRUWELZ) MARDI 16 MAI 1702
CHRONOLOGIE DÉTAILLANT LE VOYAGE DU PRÉLAT ENTRE
TOURNAI ET VALENCIENNES[7]
Fénelon se trouve à Tournai le 6 et le 11 mai dont il
visite ensuite les villages voisins. Le 13 mai il est à Vezon, le 16 à Perüez,
le 18 et le 19 à Saint-Ghislain d'où il écrit à l'abbé de Beaumont: "Je
vais demain coucher à Crespin, où je coucherai tous les soirs jusqu'à
l'Ascension". Le 22 mai, il confirme, dans l'église d'Hensies, "35
enfants de la paroisse" (Registres d'Hensies, cités dans Mémoires et
publications de la Soc. des sciences ... Du Hainaut, t.IX, 1887, pp.564
sq.). Le 24 mai, à Angre, il confirme 32 enfants (Registre d'Angre, ibid.).
Il revient à Crespin.
Le 25 mai, à Saint-Ghislain, il bénit Bernard de
Heest, abbé du Val des Ecoliers. Le 29, à Roisin, il confirme 44 enfants de la
paroisse (Registres de Roisin, ibid.). Le 31 mai, il va "camper à
Saint-Sauve, près de Valenciennes"
LETTRE DU CARDINAL SACRIPANTE A FÉNELON[8]
Illustrissime e Reverendissime Signore,
Il concerto,
che sempre hò avuto della gran virtù e pietà di V.S. illustrissima palesato da
me al al signor abbate di Chanterach nel tempo che si tratenne in questa corte,
si è accresciuto via più nell'animo mio per la di lei eroica rassegnazione a
sentimenti e decreti della Santa Sede. Onde siccome sono stato sempre
dispostissimo a service al merito di V.S. illustrissima ; cosi nella
congiuntura che s'è compiaciuta porgermene nella vacanza del canonicato die
cotesta metropolitana, con raccomandare tre soggetti, hò adempite le mie parti,
con presentare la lettera stessa scrittami da lei a Nostro Signore, il quale hà
destinato il canonicato suddetto al signor Antonio Boulanger[9]
, nominato da lei in primo luogo, col decreto della vacazione
dell'incompatibili : havendo Sua Santità in cio voluta manifestare la sua
clementissima propensione verso lei, distinguere la sua raccommandatione, e
deferire all'attestatione fatta delle qualità del soggetto preeletto tra
vintidue concorrenti, che aspiravano al canonicato. Sono però a portare a V.S.
illustrissima la notizia di tal provista, che ho procurato farle pervenire anco
per altra parte, non avendola potuta communicare al suo agente[10],
per non sapere chi sia; ma ne farò fare nuove diligenze per trovarlo, affinche
si procuri che sia segnata la supplica da Nostro Signore. Intanto ella si
compiacerà far palese questa provista, secundo it solito che si pratica ne'
beneficii, ne' quali entrano il concordati di Germania, non essendo ancora
spirato, tutto ch'e vicino il termine del trimestre, per essere la vacanza
seguita nel mese di marzo, o ne' primi giorni di esso.
Non si manco di stare avvertito alli soggetti che
propone lo spedizioniere Thiery[11]
nelle vacanze che succedono; ma per caminare con sicurezza maggiore,
particolarmente in quelle di beneficii qualificati, se V.S. illustrissima
haverà la bontà di significare li sogetti piu meritevoli, il rappresentarò a
Nostro Signore, dal quale i haveranno in benigna consideratione, siccome da me
si haverà tutta l'attentione per la retta distributione di esti beneficii,
secundo la santa mente di Sua Beatitudine, e pio desiderio di V.S.
illustrissima. Baciandoli in tanto le mani, di V.S. illustrissima servitore.
Roma, 16 maggio 1702 G. CARD. SACRIPANTE
LETTRE A L'ABBÉ DE BEAUMONT[12]
A Perüez, mardi 16 mai 1702
Je vous renvoie, mon cher neveu, les lettres du petit
abbé et de M. Chalmet. Je vous prie de faire savoir par voie sûre au dernier, que
je suis fâché de l'embarras, où il s'est mis pour moi, que je lui suis très
obligé, et que je le conjure de ne plus parler de moi à ces messieurs. Je ne leur impute ni leur changement, ni leurs
alarmes. Je vois bien qu'il faut remonter plus haut. Tout vient de M.
l'évêque de Ch[artres], qui change, et qui voudrait me réduire, comme
une place assiégée.
Je vous prie de lire, et de montrer au vénérable
l'article de la lettre du petit abbé, qui regarde M. Le Fèvre de S. Sulpice. Ma
pente serait d'attendre à écrire à cet ecclésiastique, jusqu'à ce que je fusse
de retour à Cambray. Je crains les grimaces du visage et l'ardeur du zèle. Mais
je n'ai pas à choisir.
Je vais envoyer à Enghien, et écrire à la d[ uchesse] d'Ar[enberg] sur M. de S[aint]R[emi] dans
le sens que le P.A. me propose, et qui est très bon. Je la prierai de veiller
sur l'accusé, et je lui ferai remarquer tout ce qui est suspect dans
l'accusation, afin qu'elle ne croie rien, que sur des preuves claires. Je ne
manquerai pas de lui mander le silence de M. de S[aint]R[emi], qui étonne ses
amis, afin qu'elle examine si quelqu'un intercepte les lettres de cet abbé.
Vous avez très bien répondu à Mad. d'Estourmel. Je
songeais à lui offrir de moi-même ce qu'elle demande. J'aime son fils, et je
dois être ravi de faire plaisir à cette famille.
Il est absolument nécessaire de mettre en couleur le
parquet de mon appartement et de le faire frotter, faute de quoi tous les
meubles périssent. Mais je vous prie de voir une chose à laquelle je n'avais
point pensé ; c'est ce qui regarde Clocher. Je veux lui être favorable, autant
que les convenances le permettront. Voyez ce qu'il peut faire, et décidez sans
façon. Ce qui me paraît très certain, c'est que le parquet doit être bien
frotté. Le maître d'hôtel me demande congé, pour aller du côté de Paris pour
ses intérêts. Je le lui permets volontiers. Décidez avant son départ. Vous
pourrez écrire par lui. Mandez au P[etit] Ab[bé], que si on peut apprendre que
l'aigreur soit augmentée contre moi, il examine avec la bonne P.D., si les gens
qui nous sont chers doivent s'abstenir de nous venir voir. Je ne veux causer de
peine à aucun de nos bons amis, et je crains même pour le pension de votre
soeur.
Je crois qu'il est à propos que vous réveilliez
Bullot, pour nous faire payer de nos débiteurs. Cette langueur de nos affaires
est très pénible. Avez-vous touché cinq cents livres pour vos besoins ? Si vous
ne l'avez pas fait, faites-le par préférence à tout le reste. Je suis honteux
là-dessus. Le blé avait enchéri à Tournay, avant mon départ, de dix patars sur
la rasière. J'opine toujours à vendre, comme vous l'avez proposé. J'ai reçu une
lettre de votre soeur, qui se plaint de sa santé. J'en suis en peine.
Mandez-lui que je ne puis lui écrire dans l'agitation où je suis maintenant.
J'embrasse le vénérable et subtil abbé : qu'il se modère dans sa périlleuse
dispute. Tout à mon t[rès] c[her] Panta sans mesure.
Je vous envoie une lettre pour M. de Sassenage, qu'il
faut envoyer au P[etit] Ab[bé] par Angagne, ou par quelque autre voie prompte.
Commentaires au sujet de cette lettre de Péruwelz
Les informations ci-dessous proviennent toujours de
l'édition de Genève 1987-1989 augmentées d'autres sources personnelles. Cette importante lettre a été analysée en
détail par l'équipe de Jean Orcibal. J'ai relevé les extraits d'analyse qui me
semblaient les plus importants.
1. Abbé de Beaumont. On pense qu'il s'agirait
du fils de la soeur consanguine de Fénelon, Marie Pantaléon (souvent Léon) de
Beaumont-Gibaud, né en 1665. Fénelon s'en occupa très spécialement jusqu'à en
faire le sous-précepteur du duc de Bourgogne (septembre 1689) et, quand il
l'eut entraîné dans sa disgrâce (2 juin 1698), l'archidiacre de Cambrai et de
Valenciennes. Evêque de Saintes en janvier 1716, il y mourut le 10 octobre 1744
(cf. Joseph DURIEUX, Bull. Périgord, t.LXIX, 1942, pp.376-379)
2. du petit abbé = Langeron. François Andrault
de Langeron Né le 20 juin 1658,baptisé à Paris Saint-Sulpice le 5 février 1665.
Prieur d'Anzeline, il "fut" d'abord chez l'évêque d'Autun G. de
Roquette où il rencontra Bussy-Rabutin à la fin d'aôut 1677. Maître ès arts le
24 mai 1681, il avait commencé ses études théologiques, mais les avait
interrompues en 1684 pour prêcher le Carême à Meaux. Il mourut le 10 novembre 1710.
D'après sa lettre du 20 novembre 1710, Fénelon connaissait depuis 1676
"l'ami intime", en la personne duquel il venait de "perdre la
plus grande douceur de sa vie et le principal secours que Dieu lui avait donné
pour le service de l'Eglise.[13]
3. M. Le Fèvre de S. Sulpice. François Le Fèvre
ou Lefebvre, prêtre, sulpicien, supérieur du séminaire de Saint-Sulpice en
Nouvelle France, grand vicaire de l'évêque de Québec, supérieur ecclésiastique
de l'Hôtel-Dieu de Montréal de 1676 à 1678 et des soeurs de la congrégation de
Notre-Dame de 1676 à 1677 ; né à Ecouis, diocèse de Rouen, et décédé à l'abbaye
Saint-Victor de Paris, en 1718. Le Fevre entra au séminaire de Saint-Sulpice, à
Paris, en mars 1667 et y demeura jusqu'à son ordination.
Il s'embarqua pour la Nouvelle-France en juillet 1672
et, pendant les trois années qui suivirent, exerça les fonctions de supérieur
du séminaire de Saint-Sulpice à Montréal. Au grand désappointement du supérieur
des Sulpiciens à Paris et des missionnaires attachés à la mission de Kenté
(Quinté), au lac Ontario, Le Fevre ordonna l'abandon de cette mission (qui
avait été fondée par François de Salignac, frère de Fénelon-Voir Revue
Cerc.Hist. et Arch.des Deux Vernes, N1 4, p.20). Il retourna en France en
1675, sans doute pour justifier sa décision, puis revint dans la colonie
l'année suivante avec le titre officiel de supérieur des Sulpiciens en
Nouvelle-France. Pendant les deux années que Le Fevre vécut encore dans la
colonie, son attitude hautaine et son manque d'égards envers les gens
blessèrent plusieurs des personnes avec lesquelles il eut à travailler ;
néanmoins, sa ferveur, sa fidélité aux règles et son intransigeance apportèrent
au séminaire de Montréal la discipline et l'ordre dont l'institution avait besoin.
En septembre 1677, il présenta au Conseil souverain, pour enregistrement, la
constitution du séminaire de Montréal. Avant de retourner en France, en octobre
de l'année suivante, il eut la sagesse d'opposer un refus à Mgr de Laval qui
offrait l'île Jésus aux Sulpiciens. Il s'appuya sur le fait que le séminaire
était déjà propriétaire d'une étendue plus que suffisante de terres inexplorées[14]
. Le nombre de postes qu'il occupa par la suite, démontre semble-t-il, qu'il
était incapable de travailler dans l'harmonie avec autrui. Il passa les mois
suivants (1679-1680) au séminaire de Bourges. En 1680 il se prépara à partir
pour le Siam avec François Pallu, évêque d'Héliopolis. Le vicaire apostolique
et Le Févre s'étaient embarqués le 25 mars 1681 au Fort-Louis sur le même
vaisseau, le Blampignon ; arrivé au Siam, Le Fèvre fut chargé de porter
au roi du Tonkin une lettre et des présents de Louis XIV. Après un court séjour
à Rome en qualité de représentants des évêques du Levant, il se retira trois
ans plus tard dans une annexe que le séminaire de Paris réservait à ses prêtres
malades. Cette "petite communauté" fut abolie en 1690 et Le Fevre dut
retourner au séminaire proprement dit. Bien que l'archevêque n'espérât plus
guère avoir "encore la consolation" de l' "embrasser"
(lettre du 8 janvier 1713), il s'occupait encore le 28 mai 1713 de lui faire
payer sa pension sur l'abbaye de Crespin.
4. Clocher
semble avoir été un frotteur que nous verrons un peu plus tard élevé à
la dignité de menuisier.
5. Le maître d'hôtel me demande congé.Ce maître
d'hôtel était Angaigne
6. La bonne P.D. = La "petite
duchesse" de Mortemart
7. pour la pension de votre soeur = Veuve d'un
officier supérieur tué au combat, Mme de Chevry.
8. M. de Sassenage. Ismidon-René, comte de
Sassenage, exempt des gardes du corps, puis capitaine de chevau-légers, était
lieutenant des gendarmes d'Orléans depuis 1691. En janvier 1694 il acheta 50000
écus la charge de premier gentilhomme de la chambre de Monsieur et quitta le
service. Il acheta en 1719 la lieutenance générale de Dauphiné et mourut le 16
avril 1730, âgé d'environ soixante ans.
9. de mettre en couleur. "rafraîchir les
peintures, les décrasser, y mettre du vernis ou d'autres drogues qui en font
revivre ou paraître les couleurs à demi effacées" (FURETIÈRE). Le Journal du maître d'hôtel (A.D. Nord,
3G.1164*) mentionne le 27 juin 1699 "des drogues pour mettre
l'appartement de Monseigneur en couleurs".
Lors de la visite de Fénelon, Maître Jacques-François Dubus,
de Chièvres, était curé de Vezon (il devint curé de Vezon en 1692 et était encore à la tête de cette
paroisse en octobre 1724) tandis que Philippe-François Collet, bachelier en
théologie était curé de Péruwelz (devint curé de Péruwelz en 1695, mourut le 7
avril 1719). Ce dernier avait remplacé Nicolas-François Devaulx qui était
devenu curé à Péruwelz en 1689. Monsieur de Vaulx doyen de St-Brice et curé de
Willaupuis y mourut le 2 octobre 1721 et fut enterré dans le coeur de l'église[15].
Le mayeur de Péruwelz était alors Georges Bargibant nommé le 11 août 1686.
Raymond BULION Jr
15 octobre 1997
[1]Né à Narni le 19
mars 1642, Joseph Sacripante fut d'abord avocat consistorial et référendaire de
l'une et l'autre signature. Chanoine du Latran en avril 1687, sous-dataire en
octobre 1689, il fut créé cardinal le 12 décembre 1695 et mis peu après à la
tête de la congrégation du concile. Nommé par Clément XI cardinal dataire en
décembre 1700, il écrivait encore à ce titre à Fénelon le 14 octobre 1713 et
mourut le 4 janvier 1727.
[2]La généalogie
détaillée de cette famille de Mornay apparaît dans La Chenaye des Bois et
Badier "Dictionnaire de la noblesse", Paris, édition
Schlesinger, 1863-1876, 19 vol, in-4. (Aimable communication de Monsieur Luc
Chaput de Ville Saint-Laurent, Québec,Canada).
[3]Annuaire de la
Noblesse belge, DE LA HAMAIDE , 1911-I, pp.76-226
et 1912-I, pp.234-298
[4]Chanoine
VOS, Les paroisses et les curés du diocèse actuel de Tournai, Société de
Saint-Augustin, Bruges, Desclée et de Brower et cie, MCMI tome VII, doyennés de
Mons, pp.47-48 ; A.E.T. Paroisse
St-Jean, Tournai, N157, Maître
François Messelberrier. Présentation à la cure, 1732 cop. 1 pièce
[5]Librairie Droz, 11
rue Massot, Genève
[6]CORRESPONDANCE DE
FÉNELON. Texte établi par Jean ORCIBAL avec la collaboration de Jacques LE BRUN
et Irénée NOYE. Publié avec le concours du Centre National de la Recherche
Scientifique. Genève, Librairie Droz S.A. 11, rue Massot, 1987-1989. La
Bibliothèque Royale Albert Ier possède sous la cote R37109 les volumes suivants
: 243, 244, 247, 248, 271, 272, 303, 304 (tomes VI, VII, VIII, IX, X, XI, XIV,
XV)
[7]CORRESPONDANCE DE
FÉNELON. Texte établi par Jean ORCIBAL avec la collaboration de Jacques LE BRUN
et Irénée NOYE. Genève, Librairie Droz S.A. 1987-1989. Tome XI, p.1702
[8]Ibid., tome X, p.
251
[9]Ibid., tome XI,
p.221. Il
s'agissait du canonicat de la cathédrale rendu vacant par la mort de Gilles de
Rons (31 mars 1702). Antoine Boulanger en fut pourvu par provision du
Saint-Siège, mais il n'en prit jamais possession et, après sa démission, c'est
Bonaventure de Provenchères qui le reçut le 31 octobre 1707 par collation de
l'archevêque et le conserva jusqu'à sa mort le 20 janvier 1726
[10]Ibid., p.221. Il
semble d'après la lettre à Beaumont du 1er octobre 1705 (n.11) que cet agent
fût Villamez (cf. supra, table du t.VI)
[11]Ibid., p.221. Le
banquier expéditionnaire Jacques Thiéry ou Thiery ne figure pas ailleurs dans
la correspondance.
[12]Ibid., tome X,
pp.250-251
[13]Pour informations
supplémentaires sur cette famille Andrault de Langeron voir : 1. Documents
div. s. la fam. Langeron. Ms. XVIIIe s., 59 ff. Bib.Nat. ms. n. acq. fr. 24249 -
2. Mémorial de noblesse et de filiation... de la maison de Andrault
de Langeron, 1765. Ms. XVIIIe s., in-fol, 306 p. Bibl.Mazarine, t.III, p.10, 3114 - 3.
J.B.
DEROST.-La famille Andreault de Langeron. Marcigny, 1906. In-12, 131p.
[14]Dictionnaire
Biographique du Canada, Volume premier, de l'an 1000 à 1700. University of
Toronto Press et les Presses de l'Université Laval,1967. pp.398-399 (Notice de
Christopher J. RUSS, graduate student in history, McGill University,
Montreal)
[15]Vos, op. cit. ; Reg. paroiss. de sépultures de Willaupuis